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Le parent : partenaire ou client ? Où en est l’éducation en 2025 ?

Dernière mise à jour : il y a 12 heures


« Bonjour, j’aimerais parler de mon fils. Hier, il est revenu en pleurant… Je ne comprends pas pourquoi vous l’avez obligé à ranger alors qu’il n’avait rien fait. Ce n’est pas normal. »


L’éducatrice écoute, respire. Elle a entendu des dizaines de variations de ce discours. Dans son groupe, vingt enfants réclament son attention. Elle a pris une décision pour maintenir l’équilibre. Mais face au parent, elle se retrouve à devoir justifier chaque geste, comme si son rôle se résumait à une prestation de service. Pendant ce temps, l’enfant, au centre de tout cela, observe. Il entend les mots, ressent la tension. Lui qui aurait surtout besoin d’adultes unis et cohérents, assiste plutôt à un échange qui oppose ses deux mondes.


Cette scène pourrait se dérouler dans n’importe quel service de garde, n’importe quelle école. Elle n’a rien d’exceptionnel. Pourtant, elle révèle un malaise grandissant : le parent est-il encore un partenaire de l’éducation, ou est-il devenu un client qui exige ?



Quand la confiance glisse vers la consommation


Le mot « client » évoque une transaction : on paie, on exige, on compare, on évalue. Or, l’éducation n’est pas un produit, encore moins une marchandise. Pourtant, les discours se rapprochent parfois du vocabulaire de la consommation : « Je paie des taxes, donc j’ai droit à… », « Mon enfant doit être traité comme un VIP », « Vous devez vous adapter à ses besoins, peu importe le contexte ». " Déjà que c'est difficile chez papa, rendons lui la vie facile à l'école". Et encore...


Ces phrases, souvent entendues dans les écoles ou services de garde, révèlent un glissement culturel. La société valorise le « client roi », et cette mentalité s’invite désormais jusque dans les milieux éducatifs. Résultat : la relation éducateur-parent s’éloigne de l’esprit de collaboration pour se rapprocher d’une logique de contrat de service.


Les conséquences sur les équipes éducatives


Ce glissement vers une logique de consommation n’est pas sans conséquence. Il augmente la pression sur les éducateurs, qui se sentent contraints de répondre à toutes les demandes individuelles, parfois même au détriment du bien du groupe. Peu à peu, cette pression finit par miner leur motivation : la reconnaissance se fait rare, les critiques prennent le dessus et la flamme qui les anime s’éteint doucement. À cela s’ajoutent des conflits souvent évitables, nés de malentendus ou d’un dialogue insuffisant, qui fragilisent la relation parent-éducateur.


Et comme si ce n’était pas assez, certains enfants, brillants, vifs et rusés, savent exactement quoi dire pour placer leur éducatrice dans le pétrin : un mot bien choisi, une version arrangée des faits, et voilà l’adulte obligé de se justifier. Cette malice enfantine prête parfois à sourire, mais elle souligne aussi la justesse de ce que vivent quotidiennement les équipes sur le terrain. Mais le plus préoccupant reste l’érosion du cadre éducatif : quand tout devient négociable pour plaire, l’enfant perd ses repères. Et c’est bien lui, au centre de cette dynamique, qui se retrouve instrumentalisé, alors qu’il aurait besoin de cohérence et de stabilité.


L'importance du parent WOW!

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Par chance, il y a aussi ces parents qui nous font dire « Wow ! ». Ceux qui arrivent avec un sourire sincère, qui tendent la main plutôt que le doigt accusateur, qui savent reconnaître le travail accompli et qui s’impliquent avec cœur. Ces parents-là, on aimerait les exposer en modèle, tant ils incarnent la véritable essence du partenariat. Leur présence transforme le climat : les discussions deviennent constructives, les tensions s’allègent, et l’enfant, témoin de cette complicité, en ressort gagnant. Ils rappellent à tous qu’une relation parent-éducateur peut être un formidable levier pour l’épanouissement des enfants et une source de motivation inestimable pour les équipes.


Mais à l’inverse, il existe aussi des contextes où la collaboration est absente, ou pire encore, où la relation devient malsaine. À ces parents-là, une question s’impose : que devient la qualité des services lorsque la confiance se fragilise et que la communication se transforme en confrontation ? Cette réflexion n’est pas un reproche, mais une invitation à prendre conscience que chacun, par son comportement, contribue à la santé du lien éducatif et, ultimement, au bien-être de l’enfant.


Au-delà des parents : les véritables causes du glissement


Il serait trop simple de pointer du doigt uniquement les parents, car la réalité est en fait beaucoup plus complexe et multifactorielle. D’abord, les transformations sociales ont profondément modifié le paysage familial : familles recomposées, horaires atypiques, isolement grandissant… Dans ce contexte, les parents cherchent naturellement un relais solide dans les institutions éducatives. À cela s’ajoute la pression de performance, puisque la réussite scolaire et sociale est désormais perçue comme un véritable passeport pour l’avenir, et beaucoup de parents veulent sécuriser ce chemin à tout prix. Parallèlement, la marchandisation des services dans d’autres sphères, qu’il s’agisse du sport, des loisirs ou même de la santé, a ancré une logique de consommation où l’on compare, choisit, exige.


Cette mentalité s’infiltre inévitablement dans l’éducation. Enfin, l’insécurité parentale joue un rôle clé : bombardés de conseils contradictoires, parfois culpabilisés, certains parents en viennent à douter de leurs propres compétences et projettent cette anxiété sur l’école ou le service de garde. Ainsi, il ne s’agit pas de « bons » ou de « mauvais » parents, mais bien d’une société entière qui a glissé dans une logique de consommation, souvent au détriment de la relation humaine.


Trois fausses croyances à déconstruire


Derrière ces tensions se cachent aussi des croyances profondément ancrées qu’il est urgent de déconstruire.


  • La première croyance est de penser que l’éducateur doit avant tout faire plaisir au parent. Or, sa mission n’est pas de satisfaire les adultes, mais de répondre aux besoins réels de l’enfant, ce qui implique parfois de poser des limites qui ne plaisent pas toujours. Et si l’on osait parler de « client », il faudrait rappeler que le véritable client, c’est l’enfant, pas le parent.


  • La deuxième est l’idée que le parent doit défendre son enfant coûte que coûte. Défendre ne veut pas dire excuser ni protéger de toute conséquence, mais plutôt accompagner l’enfant pour qu’il apprenne et grandisse, même à travers ses erreurs.


  • Enfin, une troisième croyance persiste : parce que nous payons, nous devrions choisir. Mais l’éducation ne fonctionne pas comme un produit commandé sur mesure ; les taxes financent un système collectif dont la mission est de servir l’ensemble des enfants, et non de répondre aux préférences individuelles.


Ces trois croyances, lorsqu’elles s’imposent, brouillent la relation de confiance et déplacent l’attention vers les adultes, alors qu’elle devrait toujours rester centrée sur l’enfant.


Vers une culture de respect mutuel


Transformer cette dynamique parfois tendue en une véritable alliance demande de réapprendre à se rencontrer autrement. Il s’agit d’abord de créer un espace de dialogue authentique, où chacun ose dire les choses sans crainte de jugement, dans un climat de respect et d’écoute. Les rencontres entre parents et éducateurs ne devraient jamais ressembler à des procès, mais plutôt à des moments de partenariat.


Pour y arriver, il est essentiel de nommer clairement les rôles : les éducateurs ne remplacent pas les parents, et les parents ne remplacent pas les éducateurs ; chacun est indispensable, mais dans une mission différente et complémentaire. Cette reconnaissance mutuelle permet ensuite de mettre en lumière les forces de chacun, de valoriser les réussites et les petites victoires, plutôt que de se concentrer uniquement sur ce qui ne fonctionne pas.


Enfin, il faut sans cesse revenir au sens profond de l’éducation, qui n’a rien d’un service à consommer mais qui s’incarne comme un chemin à parcourir ensemble, au bénéfice de l’enfant et, ultimement, de la société tout entière.


Stratégies concrètes inspirées de l’approche S.A.G.E.


1. Miser sur une communication claire et bienveillante (Sécurité affective)


Créer un climat de confiance en choisissant des mots qui apaisent plutôt que des phrases qui accusent. Dire « J’ai remarqué que… » au lieu de « Votre enfant fait toujours… » permet d’a border les situations sans déclencher de défensive.


2. Valoriser les réussites avant d’aborder les défis (Épanouissement authentique)


Commencer par mettre en lumière un progrès ou une force de l’enfant, c’est lui rappeler qu’il est vu dans toute sa richesse et non seulement à travers ses difficultés. Cette reconnaissance ouvre la porte à un dialogue plus serein lorsqu’il s’agit d’aborder les défis. Car chaque enfant, même lorsque ses forces semblent plus discrètes ou cachées, porte en lui des ressources précieuses qui méritent d’être reconnues et encouragées.


3. Poser des questions plutôt qu’imposer des vérités (Guidance respectueuse)


En invitant le parent à partager son point de vue , « Comment cela se passe-t-il à la maison ? » ou « Qu’est-ce qui aide votre enfant selon vous ? » , l’éducateur ouvre la porte à une véritable collaboration et reconnaît le rôle de l’autre.


4. Reconnaître et nommer les émotions (Sécurité affective)


Prendre le temps de dire « Je comprends que cette situation vous inquiète » apaise la relation et crée un espace où chacun se sent entendu, même avant de chercher des solutions.


5. Clarifier les rôles dès le départ (Autorité bienveillante)


Rappeler que les parents apportent l’histoire, les valeurs et les repères familiaux, tandis que les éducateurs offrent un cadre collectif, des observations neutres et des stratégies éducatives. Cette complémentarité renforce l’autorité de chacun dans son rôle.


6. S’appuyer sur l’objectif commun (Guidance respectueuse)


Ramener la conversation à la seule question qui compte : « Qu’est-ce qui est le mieux pour l’enfant ? ». Cela permet de sortir du rapport de force et de se recentrer sur une vision partagée.


7. Cultiver la cohérence et la constance (Autorité bienveillante & Sécurité affective)


Tenir les mêmes messages, respecter le cadre annoncé, et rester ferme sur les limites essentielles. Cette constance donne à l’enfant un repère stable et rassurant, tout en consolidant la crédibilité du partenariat.



En conclusion, choisir l'alliance. En 2025, l’éducation se trouve à un carrefour. Soit nous continuons à glisser vers une logique marchande, où parents et éducateurs se confrontent dans un rapport de force semblable à celui d’un client et d’un prestataire, soit nous choisissons consciemment de rétablir l’esprit du partenariat.


Pour avancer dans cette direction, il faut miser sur des stratégies simples mais puissantes : instaurer un climat de confiance où la communication prime sur la confrontation, reconnaître les expertises respectives en cessant de les opposer, et maintenir un cadre éducatif cohérent qui sécurise l’enfant tout en respectant sa singularité. Cela demande aussi de cultiver la patience et la cohérence dans nos interventions, de donner l’exemple du respect mutuel au lieu de le réclamer, et de recentrer constamment nos décisions sur la seule question qui compte vraiment : « Qu’est-ce qui est le mieux pour l’enfant ? ». Car au fond, l’éducation n’a pas besoin de clients exigeants ni de prestataires dociles, mais bien d’adultes responsables et solidaires qui choisissent d’unir leurs forces. C’est dans cette alliance que réside la véritable puissance éducative, et c’est elle qui offre à l’enfant la chance de grandir dans un monde à la fois sécurisant, juste et porteur d’espoir.


« Entre les mains des parents et celles des éducateurs, l’enfant trouve le fil invisible qui tisse sa confiance. »-SM

Sandra Mathieu

VIP de L’Éducation

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